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Jul Dillier: comme une déambulation dans une salle des miroirs

Série de portraits «Get Going!» 2022

Jul Dillier, Flora Geiẞelbrecht et Bernhard Hadriga avec EI GEN KLANG ⎪ Photo ©Maria Frodl


De l’œuf naît le mot, du mot le son et du son une œuvre baptisée Ei.Gen.Klang. La performance multisensorielle à base de sons, de mots et d’images a été créée par Jul Dillier, Flora Geißelbrecht et Bernhard Hadriga. Une contribution «Get Going!» de la FONDATION SUISA l’a aidée à voir le jour.

Jul Dillier est chercheur de sons. Son regard est sans cesse animé par la curiosité et l’envie de découverte. Par une perception du monde comme un terrain de jeux, un lieu d’aventures qui invite à une exploration topographique par le mot et le son. Il va bien entendu de soi que cette approche engendre des questionnements philosophiques. «Je voulais me pencher sur l’origine ou le début, tant au sens musical que linguistique. Mais aussi sur le début du monde, le début de la vie, le début de l’humanité», explique Jul Dillier à propos de la motivation initiale de ce projet.

Le chercheur est issu d’une famille férue de langue originaire du canton d’Obwald. «Mon père était réalisateur de feuilletons radiophoniques, mon frère est libraire, ma sœur est pédagogue de théâtre et ma mère est logopédiste.» Il est le mouton noir de la famille, raconte-t-il en riant, puisqu’il a choisi la musique: il est devenu pianiste et batteur. Mais les mots sont restés, et surtout les sons qu’ils produisent.

Quand la pandémie de COVID-19 l’empêche de faire la navette entre sa ville adoptive, Vienne, et la Suisse centrale, il décide de suivre le master de jazz et de musique improvisée à Linz. C’est là qu’il rencontre l’altiste, vocaliste et parolière Flora Geißelbrecht et le guitariste et vidéaste Bernhard Hadriga, qui effectue également des études de microbiologie et de génétique parallèlement à celles de musique. Lorsqu’ils se réunissent pour définir le point de départ du projet, c’est Flora Geißelbrecht qui déclenche le processus créatif en évoquant simplement «l’œuf». «C’était comme un Big Bang et ce n’est sans doute pas un hasard si le théoricien de l’origine de l’univers George Lemaître a utilisé le concept d’‹œuf cosmique›», explique Jul Dillier.

Les associations sont alors sans fin. L’œuf, qui se dit «Ei» en allemand et se cache dans de nombreux mots sous forme de diphtongue, ouvrait des champs linguistiques, musicaux, mais aussi philosophiques et historiques infinis, dans lesquels les possibilités d’improvisation jaillissaient comme une déambulation dans une salle des miroirs. Les trois admirateurs des acrobates de la langue que sont Ernst Jandl ou Kurt Schwitters commencèrent ainsi à jongler avec des jeux vocaux, mais aussi à sonder d’autres domaines: «La forme de l’œuf, l’œuf de poule comme aliment, l’œuf de la femme… l’œuf produit un nombre de liens considérable aux niveaux de sens les plus variés», commente Flora Geißelbrecht. Et Jul Dillier de compléter: «Il est aussi à l’origine des innombrables mythes de la création qui nous travaillent.»

Face à une explosion créative comme celle-ci, le risque est grand de voir l’arbre cacher la forêt. Le trio en avait bien conscience. «Nous nous sommes forcés assez tôt à suivre une systématique rigoureuse», raconte Bernhard Hadriga. «La contribution de la FONDATION SUISA nous a permis de créer une sorte de laboratoire artistique, où nous pouvions mener nos expériences et nos recherches.» Jul Dillier ajoute: «Nous avons eu recours à des techniques de composition et d’improvisation pour réfléchir à la façon ludique ou narrative, sonore ou visuelle) dont nous souhaitions mettre en œuvre un aspect donné.»

Le nom de la pièce a aussi servi de guide: «Ei.Gen.Klang» est jeu de mots sur les termes allemand «Ei» (œuf), «Gen» (gène) et «Klang» (son), dont la somme («Eigenklang», sonorités propres) souligne aussi que l’œuf, dans sa forme et son sens, évolue constamment en direction du son. Il a également été évident dès le début que le projet aboutirait à une performance d’une heure. L’espace sonore et scénique tridimensionnel a volontairement été étendu au facteur temps, afin que l’univers ne s’étire pas irrémédiablement. En dépit des premières réussies d’Ei.Gen.Klang à Lucerne en décembre et à Vienne en janvier, le trio continue de jouer sur les états physiques vers lesquels la pièce peut sans cesse évoluer.

Rudolf Amstutz


juldillier.ch
instagram.com/ei.gen.klang
youtube.com/@EiGenKlang

Portrait arttv
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JUL DILLIER

21.03.2022


«Get Going!», une offre d’encouragement de la FONDATION SUISA, existe depuis 2018. Cette nouvelle forme de contribution à la création permet de financer des processus créatifs et artistiques qui se situent hors des catégories usuelles. Chaque mois, nous présentons l’une ou l’un des bénéficiaires des contributions «Get Going!» 2022.

jazzahead! 2024 – Inscription


Inscrivez-vous dès maintenant au stand collectif SWISS MUSIC ⎪ 11–13 avril, Brême (DE)

Les professionnels internationaux du jazz se réuniront du 11 au 13 avril 2024 à Brême dans les halles et devant les scènes de showcases de jazzahead!, le plus grand salon de jazz d’Europe. Une formidable opportunité pour les professionnel·le·s suisses de la musique de se mettre en réseau et pour les groupes helvétiques de se présenter à un public international de passionné·e·s de jazz – Inscrivez-vous dès maintenant comme co-exposant·e au stand SWISS MUSIC:

STAND COLLECTIF SUISSE


Vos avantages en tant que co-exposant·e du stand collectif SWISS MUSIC:

  • Accréditation à tarif préférentiel: EUR 155 au lieu de EUR 185 (hors TVA de 19%)
  • Plus grande visibilité au salon
  • Libre utilisation du stand comme plateforme de rencontre et de présentation

Le stand SWISS MUSIC est un partenariat entre la FONDATION SUISA, la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia et SONART – Association Suisse de Musique.

Et voici comment procéder:
Délai d’inscription: 27.03.2024

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En cas de nombre insuffisant d’inscriptions, la FONDATION SUISA et ses partenaires se réservent le droit de retirer leur offre de soutien à tout moment jusqu’au début du salon.

DÉLAI D’INSCRIPTION: 27 mars 2024

SHOWCASES


Le délai de dépôt de candidature pour un showcase au festival showcases de jazzahead! a expiré au 18 octobre 2023.

Kaleidoscope String Quartet ⎪ «GET GOING!» 2022

Série de portraits «Get Going!» 2022

Kaleidoscope String Quartet ⎪ Photo ©Benedek Horváth


Le Kaleidoscope String Quartet refuse le corset de la musique de chambre classique et a osé, ces dernières années, franchir des frontières dans plusieurs directions, attirant l’attention du public dans les festivals les plus divers (notamment le Cully Jazz et le Murten Classics). La pandémie a interrompu son dernier projet, «Five», qui peut à présent redémarrer grâce au coup de pouce «Get Going!». Pour poursuivre son exploration en terre inconnue, le quatuor a récemment accueilli un cinquième membre en la personne du bandonéoniste Michael Zisman. Le nouvel altiste du groupe, Vincent Brunel, apportera lui aussi des changements décisifs au projet «Five», qui évoluera en douceur vers un second projet grâce à de nouvelles approches de composition.
ksq.ch

Portrait arttv
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KALEIDOSCOPE STRING QUARTET

27.11.2023


«Get Going!», une offre d’encouragement de la FONDATION SUISA, existe depuis 2018. Cette nouvelle forme de contribution à la création permet de financer des processus créatifs et artistiques qui se situent hors des catégories usuelles. Chaque mois, nous présentons l’une ou l’un des bénéficiaires des contributions «Get Going!» 2022.

CÉGIU: en dialogue avec les autres et son propre corps

Série de portraits «Get Going!» 2022

Cégiu ⎪ Photo by ©Gian Marco Castelberg


L’oreille comme micro et instrument, le cerveau comme table de mixage et le corps comme caisson de basse individuellement perceptible : avec son nouveau projet Coiled Continuum, Céline-Giulia Voser, alias Cégiu, veut rendre la musique physiquement tangible. La FONDATION SUISA la soutient par une contribution «Get Going!».

Dans la musique de Cégiu, la texture de la surface n’est que peu exploitée – uniquement dans les premières secondes d’un morceau, lorsque celui-ci entre en contact pour la première fois avec l’ouïe de l’auditrice ou de l’auditeur. Ensuite, la musique se métamorphose en un tourbillon, un labyrinthe de méandres et de liens complexes qui se fraie un chemin jusqu’au plus profond de notre inconscient et jongle avec les émotions. Cégiu a maintenant affiné son art dans trois albums : dans Skinny Souls (2016), Restless Roots (2019) et Glowing Goodbyes (2021), elle démolit la tour de Babel par l’usage de plusieurs langues tout en bâtissant inlassablement de nouvelles imbrications acoustiques encore plus raffinées, qui produisent des stimuli singuliers sur le clavier émotionnel. Cette femme de 39 ans, qui a grandi en Suisse centrale avec des racines dans le Frioul et en Suisse romande, réussit ainsi à transmettre à d’autres la catharsis qui habite sa musique.

L’une des pistes de Restless Roots s’intitule Il Silenzio – n’existe pas et contient à peu près tout ce qui caractérise une composition de Cégiu: elle a fait elle-même l’expérience physique du silence inexistant lorsque sa famille a déménagé d’un endroit dominé par le bruit du trafic dans un immeuble attenant au parc d’un château. «Soudain, raconte Cégiu, j’entendais mon propre corps, le chuintement du sang dans mes oreilles.» Le désarroi qui a suivi cette expérience est vocalement exprimé par des murmures et des cris et soutenu verbalement en quatre langues. «Ayant grandi dans une famille polyglotte, j’ai remarqué assez tôt que l’on peut exprimer certains états ou sentiments de manière plus précise dans une certaine langue que dans une autre.» «Dream on mon cœur», murmure-t-elle alors qu’un violoncelle éthéré ondoie indéfiniment et traverse tous les états de la matière durant ce morceau.

L’effet de la musique sur notre cerveau et notre corps, c’est ce qui intéresse aussi Cégiu dans son actuel projet, pour lequel la FONDATION SUISA la soutient par une contribution «Get Going!». Elle le nomme Coiled Continuum, collant ainsi à son intention. Au sein de ce continuum fermé et tournant sans cesse sur lui-même, Cégiu veut collaborer avec d’autres artistes en leur transmettant des créations pour qu’ils les transforment puis lui remettent le résultat. 

«Je suis fascinée par l’image d’une spirale qui tourne continuellement», explique Cégiu. «J’aimerais intégrer cette démarche à tous les niveaux du projet, que ce soit dans mes processus de travail ou dans les collaborations, mais aussi au niveau de l’écoute. Un éternel va-et-vient, qui reflète aussi la manière dont notre vie fonctionne.» Elle entretient déjà des échanges avec la musicienne et productrice Anna Murphy et la slameuse Dominique Macri ainsi qu’avec le photographe Gian Marco Castelberg et, pour le concept visuel, avec Bartholomäus Zientek. D’autres suivront. «Nous vivons aujourd’hui dans un monde très imprégné par le visuel, donc je cherche aussi les échanges interdisciplinaires.»

Quant au contenu, le projet aborde le thème de la perception psycho-acoustique, qu’a intensément explorée Maryanne Amacher (1938–2009), compositrice et créatrice d’installations. «L’oreille, explique Cégiu, peut non seulement percevoir les sons, mais aussi en produire elle-même, ce qui peut être provoqué par un stimulus.» Le but de l’artiste est que, à l’écoute de la musique, l’oreille et le cerveau soient stimulés pour développer leurs propres sons: «Il s’agit de créer une nouvelle expérience corporelle et de rendre la musique physiquement tangible.» Cela doit se produire non seulement lors de l’écoute de la musique en streaming (dans un casque), mais aussi en live: «Mon rêve serait de pouvoir jouer avec l’espace et le comportement des gens de manière à ce qu’ils m’influencent à leur tour sur scène et que le public fasse ainsi partie du groupe.» Les beats jouent ici un rôle dominant, comme dans tous les travaux de Cégiu. «Pour Restless Roots, j’ai utilisé à cet effet des sons de valises à roulettes, sur Glowing Goodbyes ceux d’insectes et, à présent, ce sont des bruits de fond produits par la bouche lors de l’enregistrement de messages vocaux qui fourniront le rythme complexe de la musique.»

Même s’il est prévu que le résultat de Coiled Continuum prenne la forme d’une œuvre achevée sur un album, Cégiu souhaite recourir aux moyens numériques pendant le processus de travail pour élaborer une sorte de journal audio. Cette visibilité permet, selon elle, d’échanger avec d’autres et deviendrait ainsi un élément du continuum.

Cette forme de travail, de même que l’approfondissement intensif de la thématique, nécessitent du temps et de l’argent. Cégiu souligne les avantages de «Get Going!»: «Cette forme de soutien octroyée par la FONDATION SUISA, qui n’exige pas de définir au préalable un résultat ou un délai, offre une marge de développement insoupçonnée, qui permet aussi de prendre des risques.» Pour elle, seule l’absence de pression extérieure permet d’effectuer un travail approfondi.

Rudolf Amstutz


cegiu.com

Portrait arttv
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CÉGIU

17.10.2023


«Get Going!», une offre d’encouragement de la FONDATION SUISA, existe depuis 2018. Cette nouvelle forme de contribution à la création permet de financer des processus créatifs et artistiques qui se situent hors des catégories usuelles. Chaque mois, nous présentons l’une ou l’un des bénéficiaires des contributions «Get Going!» 2022

Louis Jucker ⎪ «Get Going!» 2022

Série de portraits «Get Going!» 2022

Louis Jucker ⎪ Photo ©Augustin Rebetez



L’auteur-compositeur-interprète chaux-de-fonnier Louis Jucker s’est créé ces dernières années un univers insolite bien à lui. Avec ses morceaux expérimentaux à la sonorité épurée, il crée un anachronisme bienfaisant au milieu d’une vie quotidienne rythmée par l’agitation. La contribution «Get Going!» le soutient désormais dans un projet sur plusieurs années et dont l’aboutissement est la construction d’une machine enregistreuse fonctionnant sans électricité. L’objectif du musicien est de réagir à l’état du monde en mettant sur pied des moyens de production de musique locaux maîtrisables, et ce de manière artisanale.
louisjucker.ch


«Get Going!», une offre d’encouragement de la FONDATION SUISA, existe depuis 2018. Cette nouvelle forme de contribution à la création permet de financer des processus créatifs et artistiques qui se situent hors des catégories usuelles. Chaque mois, nous présentons l’une ou l’un des bénéficiaires des contributions «Get Going!» 2022.

Hasan Nakhleh: Des grooves internationaux pour plus de tolérance

Série de portraits «Get Going!» 2022 

Hasan Nakhleh ⎥ Photo ©Hasan Nakhleh

Le Bernois Hasan Nakhleh, qui forme avec son frère Rami le duo TootArd, associe musique de danse internationale et héritage culturel arabe. Grâce à la contribution «Get Going!», il a maintenant le temps et l’espace nécessaires pour aborder cette union entre Orient et Occident de manière approfondie.

Durant cet entretien, Hasan Nakhleh ne tarit pas d’éloges pour Berne, louant notamment sa beauté et le calme qu’il y a trouvé. Il vit depuis 2014 dans la ville fédérale; c’est l’amour qui l’a mené jusqu’en Suisse. Il a obtenu le passeport rouge à croix blanche en 2021. Pour quelqu’un qui a grandi sur le plateau du Golan, ce n’est pas rien. Dans ce territoire annexé par Israël, la population arabe est de facto apatride. «Golan est une patrie qui n’en est pas une. Quant à Berne, c’est un endroit qui se trouve bien loin de ma terre natale», relate Hasan Nakhleh. 

C’est dans ces tensions que ce jeune homme de 35 ans puise sa créativité musicale. Avec son frère Rami, il fait de la musique depuis son enfance. Plus tard, ils ont formé un groupe, avec lequel ils se sont produits dans des clubs locaux, et ont pris le nom de TootArd. Hasan rit, car ce mot signifie «fraises» en arabe. «Nous ne voulions pas être soupçonnés de diffuser des messages politiques dans nos textes. «Fraises» nous semblait donc être un nom assez inoffensif.»

Le duo a déjà produit trois albums. Ils ont nommé leur deuxième opus d’après le nom du document qu’ils ont reçu à la place d’un passeport : «Laisser passer». «Nous avons ainsi pu quitter le plateau du Golan mais pour voyager à l’étranger, nous devions toujours faire des demandes de visa fastidieuses.»

Avec la nationalité suisse, il peut à présent voyager où il le souhaite sans problème. Alors qu’Hasan apprécie le calme de Berne pour effectuer son travail, son frère Rami est resté dans son village natal. «Cela n’entrave pas notre collaboration», affirme-t-il. Rami se charge des beats et Hasan du reste, y compris des paroles. Comme le titre de leur dernier album, «Migrant Birds», l’évoque, ils souhaitent diffuser dans le monde, tels des oiseaux migrateurs, leur musique de danse contagieuse aux beats hypnotisants, aux mélodies arabes et orientales et aux paroles poétiques empreintes de critiques envers la société.

«Je souhaite perfectionner ce que nous avons commencé avec notre dernier album», explique-t-il, c’est-à-dire créer une musique de danse internationale, qui peut être comprise partout dans le monde, mais qui ne renie pas non plus ses origines. Grâce à la contribution «Get Going!», il a désormais le temps, entre autres, de reprogrammer ses synthétiseurs analogiques et numériques afin de pouvoir jouer des quarts de ton. «Ces quarts de ton font partie intégrante du système tonal arabe, mais ne peuvent pas être produits par des instruments à clavier. J’utilise donc des boîtes d’accord, qui communiquent avec les instruments via le MIDI. Il est ainsi possible de modifier l’accordage des synthétiseurs.» En tant que compositeur, son défi consiste à trouver le bon équilibre entre l’Orient et l’Occident, entre son héritage culturel et le monde dans lequel il vit et travaille à présent.

Hasan Nakhleh décrit ainsi les expériences qu’il vit avec son frère à chacun de leurs concerts, que ce soit en Suisse, à Londres, à Toronto, à Tokyo ou au Caire: «Des personnes d’origines très diverses viennent à nos concerts pour danser. Cela promeut la tolérance, car la musique en général a un effet rassembleur. De plus, nous éliminons ainsi certains stéréotypes car nous intégrons l’héritage culturel arabe à une musique contemporaine.»

À cet effet, la contribution «Get Going!» est «la meilleure forme de soutien que l’on puisse recevoir», affirme-t-il. «Lorsque les artistes bénéficient d’une liberté financière, les résultats sont toujours là.» En outre, le fait que ce coup de pouce financier ne soit lié à aucun résultat concret constitue, d’après lui, une motivation supplémentaire: «Il n’y a aucune contrainte extérieure, je n’ai pas d’obligations. Je me pose donc la question: est-ce que cela me plaît?» Avec «Get Going!», souligne-t-il en conclusion, il se voit octroyer une confiance en tant qu’artiste. Pour lui, c’est quelque chose de tout à fait exceptionnel. «Rien que cet aspect est une obligation suffisante pour réaliser quelque chose de bien.»

Rudolf Amstutz


tootard.com


«Get Going!», une offre d’encouragement de la FONDATION SUISA, existe depuis 2018. Cette nouvelle forme de contribution à la création permet de financer des processus créatifs et artistiques qui se situent hors des catégories usuelles. Chaque mois, nous présentons l’une ou l’un des bénéficiaires des contributions «Get Going!» 2022.

Simone Felber: danser et chanter pour la vie, avec et contre la mort

Série de portraits «Get Going!» 2022 

Simone Felber ⎥ Photo ©Christian Felber



La chanteuse Simone Felber s’implique dans de nombreux projets afin de moderniser la musique folklorique suisse. La contribution «Get Going!» qu’elle a obtenue lui permettra de donner une nouvelle vie à la danse macabre.

Elle ne s’est intéressée à la musique folklorique que tardivement, lorsqu’elle effectuait ses études à la Haute école de musique de Lucerne. Elle y a rencontré le joueur d’accordéon schwyzois Adrian Würsch et le contrebassiste Pirmin Huber, avec lesquels elle forme actuellement le trio «Simone Felbers iheimisch». Auparavant, elle évoluait surtout dans le domaine de la musique classique. Sa participation au chœur «molto cantabile», consacré à la musique contemporaine, l’a beaucoup marquée. Citadine amoureuse de la nature, la Lucernoise a découvert dans la musique folklorique quelque chose qui lui a beaucoup plu: «Dans la musique, nous visons toujours la perfection. Alors que la musique classique exige de concevoir un son parfait, le jazz et la musique folklorique permettent de trouver son propre son.»

Pour elle, son propre son se manifeste non seulement au sein du trio «Simone Felbers iheimisch», mais aussi dans de nombreux autres projets, comme le quatuor féminin «famm» ou le chœur «Echo vom Eierstock», dont elle est la cheffe. Pour cette mezzo-soprano de formation, il ne s’agit pas simplement de pouvoir s’exprimer de façon très moderne au moyen du chant non verbal et du yodel, mais aussi, en tant que trentenaire, de faire part du point de vue de sa génération. La Suisse d’aujourd’hui, multiculturelle et urbaine, est confrontée à des problèmes sociétaux, sociaux et politiques, alors qu’en même temps, la nature se rebelle et constitue un défi climatique aux lieux d’origine de la musique folklorique. Simone Felber souhaite que sa musique reflète tous ces éléments, car elle reproche à la musique folklorique d’ignorer trop souvent le quotidien. «La musique folklorique me fait parfois penser à une brochure en papier glacé», déclare-t-elle avant d’ajouter: «Moi, en revanche, je préfère le papier recyclé.»

Elle s’est associée au pianiste de jazz Lukas Gernet pour son dernier projet, «hedi drescht», dans le cadre duquel ils abordent ensemble le thème de la patrie et mettent en musique ce que celle-ci représente au moyen d’un véritable kaléidoscope musical qui oscille entre classique, yodel et jazz. Sur scène, le recueil de chansons «äinigermasse dehäi» se transforme en une performance audiovisuelle interdisciplinaire grâce à la collaboration avec le collectif de théâtre «Fetter Vetter & Oma Hommage», le vidéaste Jules Claude Gisler et le metteur en scène Stephan Q. Eberhard.

Pour son projet «Get Going!», Simone Felber franchit une étape supplémentaire et aborde le thème de la mort, auquel elle a été confrontée récemment en raison de la perte de plusieurs proches. La danse macabre la fascine tout particulièrement. Mais qui donc effectue cette danse? Dans la musique folklorique, il existe ce qu’on appelle le «tänzli», ou musique de danse traditionnelle: les vivants dansent-ils sans jamais penser à la mort ou pour célébrer la vie avant la mort? Ou est-ce plutôt la mort qui danse, comme sur les motifs baroques que l’on peut admirer sur le pont Spreuerbrücke de Lucerne, la ville natale de Simone Felber? Ou encore les personnes mourantes, qui se rendent dans l’au-delà en dansant? Simone Felber se penche sur ces questions depuis longtemps déjà. «Dans de nombreuses cultures, la vie et la mort forment un cycle, alors que dans la nôtre, l’existence est perçue comme linéaire», explique-t-elle. «J’aimerais que ce sentiment paralysant qui nous envahi face à la mort se transforme en un mouvement qui peut nous en faire sortir.» 

Elle ne sait pas encore la forme exacte que prendra son projet. «Je penche plutôt pour une installation sonore et visuelle qui permettrait aux gens de se confronter de manière individuelle à ce thème dans un cadre intime.» La contribution «Get Going!», souligne-t-elle, lui donne la liberté et la sécurité de mener à bien ce projet sans stress et sans devoir faire de trop grands compromis.

Rudolf Amstutz


Album actuel: hedi drescht – «äinigermasse dehäi»
simonefelber.ch

Portrait arttv
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SIMONE FELBER

07.06.2023


«Get Going!», une offre de soutien de la FONDATION SUISA, existe depuis 2018. Cette nouvelle forme de contribution à la création permet de financer des processus créatifs et artistiques qui se situent hors des catégories usuelles. Chaque mois, nous présentons l’une ou l’un des bénéficiaires des contributions «Get Going!» 2022.

2022: Huit contributions «GET GOING!»attribuées

La mise au concours de cette année pour une contribution «Get Going!» a suscité un grand écho. 225 dossiers ont été déposés, provenant de toutes les régions du pays et de tous les genres. Nous remercions toutes celles et ceux qui ont manifesté leurs idées et qui n’ont pas facilité la décision du jury. Au final, huit projets ont été sélectionnés, qui reflètent à merveille l’immense diversité et la vivacité de la scène musicale actuelle.



Les bénéficiaires d’une contribution «Get Going!» à hauteur de CHF 25’000.- sont:

KETY FUSCO

Kety_Fusco ⎪ ©Photo by Sebastiano Piattini


Cette harpiste virtuose tessinoise s’est fait connaître par ses compositions qui transcendent les genres et dans lesquelles elle ne cesse d’explorer et d’étendre et faire évoluer le champ d’utilisation de son instrument. La contribution «Get Going!» permet à présent à Kety Fusco de se consacrer au développement d’un élément supplémentaire pour sa harpe acoustique. Le but de cette évolution est de repousser les limites du spectre sonore de l’instrument pour l’enrichir d’un nouveau langage instrumental hybride et donner naissance à des espaces sonores inusités.
www.ketyfusco.com


HASAN NAKHLEH (TootArd)

Hasan Nakhleh ⎪ ©Photo by Jenan Shaker


Avec son projet TootArd, le musicien bernois Hasan Nakhleh poursuit deux objectifs: d’une part, il expérimente les multiples possibilités dans le domaine des rythmes et de l’accordage, d’autre part, il veut faire bouger les dancefloors du monde entier avec ses global grooves et ses textes arabes. La contribution «Get Going!» lui permettra de consacrer suffisamment de temps au quatrième album de TootArd pour développer son univers sonore. Hasan Nakhleh entend notamment reprogrammer des synthétiseurs analogiques et numériques avec des quarts de ton dans différentes gammes.
tootard.com
Portrait HASAN NAKHLEH


LOUIS JUCKER

Louis Jucker ⎪ ©Photo by Augustin Rebetez


L’auteur-compositeur-interprète chaux-de-fonnier Louis Jucker s’est créé ces dernières années un univers insolite bien à lui. Avec ses morceaux expérimentaux à la sonorité épurée, il crée un anachronisme bienfaisant au milieu d’une vie quotidienne rythmée par l’agitation. La contribution «Get Going!» le soutient désormais dans un projet sur plusieurs années et dont l’aboutissement est la construction d’une machine enregistreuse fonctionnant sans électricité. L’objectif du musicien est de réagir à l’état du monde en mettant sur pied des moyens de production de musique locaux maîtrisables, et ce de manière artisanale.
www.louisjucker.ch


CÉGIU

Cégiu ⎪ ©Photo by Gian Marco Castelberg


La musicienne, productrice et compositrice lucernoise Céline-Giulia Voser a trois albums solos à son actif sous le nom de Cégiu. Pour chacun d’entre eux, elle a cherché à explorer de nouvelles sonorités et manières de composer. Elle utilisera le coup de pouce «Get Going!» pour approfondir ses recherches sur la thématique de la perception psychoacoustique en vue de son nouvel opus «Coiled Continuum». Son objectif est non seulement de créer une musique qui sonne différemment selon le lieu, le contexte et le moment, mais qui soit également capable, par des manipulations sonores, de susciter des émotions individuelles chez les auditeurs·trices.
www.cegiu.com

Portrait CÉGIU
arttv Portrait vidéo CÉGIU


SIMONE FELBER

Simone Felber ⎪ ©Photo by Christian Felber


Avec ses projets «Simone Felbers Iheimisch», «hedi drescht» et «famm», la chanteuse lucernoise Simone Felber est l’une des principales figures de la nouvelle musique folklorique suisse. Elle est chez elle dans la zone limitrophe entre tradition et modernité, études classiques et innovation inédite. Ces dernières années, suite à la perte de plusieurs êtres chers, Simone Felber a dû se confronter régulièrement à la mort. La contribution «Get Going!» lui permettra de s’immerger complètement dans son projet, qui consiste à mettre face-à-face la danse macabre classique et la danse folklorique traditionnelle. Son objectif est de développer sa propre danse macabre qui, par la légèreté de cet art, permettra de porter un nouveau regard sur la mort.
www.simonefelber.ch

Portrait SIMONE FELBER
arttv Portrait vidéo SIMONE FELBER


MARIO BATKOVIC

Mario Batkovic ⎪ ©Photo by Rob Lewis


Mario Batkovic est l’un des compositeurs et musiciens suisses les plus virtuoses et les plus connus dans le monde. Impliqué dans de nombreux projets, l’accordéoniste bernois construit des instruments innovants et se livre continuellement à des expérimentations à la croisée de la pop, du rock et de la musique contemporaine. Afin d’explorer et de créer de nouveaux espaces sonores, la recherche, le développement, la composition et l’expérimentation sont au cœur de son travail. Grâce à la contribution «Get Going!», Mario Batkovic se voit désormais offrir l’un des éléments essentiels à la créativité: du temps!
Website


Projet EI GEN KLANG (Flora Geiẞelbrecht / Jul Dillier / Bernhard Hadriga)

Ei Gen Klang ⎪ ©Photo by Maria-Frodl


Jul Dillier se décrit lui-même très justement comme un artisan du son et un poète sonore. Le pianiste et percussionniste obwaldien travaille à de nombreux projets entre le jazz, l’improvisation, la musique de théâtre et de pièces radiophoniques, l’écriture, la performance et l’art sonore. La contribution «Get Going!» lui permettra de mettre sur pied «Ei Gen Klang», une performance multisensorielle d’une heure axée sur la recherche des origines et mêlant sons, mots, images et saveurs. Il s’associera pour ce faire avec l’altiste, vocaliste et parolière Flora Geiẞenbrecht et le guitariste, vidéaste et généticien de formation Bernhard Hadriga.
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KALEIDOSCOPE STRING QUARTET

Kaleidoscope String Quartet ⎪ ©Photo by Benedek Horváth


Le Kaleidoscope String Quartet refuse le corset de la musique de chambre classique et a osé, ces dernières années, franchir des frontières dans plusieurs directions, attirant l’attention du public dans les festivals les plus divers (notamment le Cully Jazz et le Murten Classics). La pandémie a interrompu son dernier projet, «Five», qui peut à présent redémarrer grâce au coup de pouce «Get Going!». Pour poursuivre son exploration en terre inconnue, le quatuor a récemment accueilli un cinquième membre en la personne du bandonéoniste Michael Zisman. Le nouvel altiste du groupe, Vincent Brunel, apportera lui aussi des changements décisifs au projet «Five», qui évoluera en douceur vers un second projet grâce à de nouvelles approches de composition.
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Stand SWISS MUSIC à l’IKF 2023: inscrivez-vous dès maintenant!

22–25 janvier, Fribourg e.Bri. (DE)

Inscrivez-vous en toute simplicité et à moindre coût à la 35e Internationale Kulturbörse Freiburg (IKF) qui se tiendra du 22 au 25 janvier 2023: Devenez co-exposant·e· sur le stand de SWISS MUSIC.

Dès maintenant, les professionnel·le·s suisses de la musique peuvent s’inscrire gratuitement au stand collectif SWISS MUSIC à l’IKF 2023 – un programme d’encouragement de la FONDATION SUISA et de la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia.

Le stand offre notamment à ses co-exposant·e·s les avantages suivants:

  • Vous économisez les coûts d’un propre stand (au moins EUR 562)
  • Bénéficiez d’une visibilité supplémentaire sur place et en ligne (swissmusic.ch)
  • Libre utilisation du stand SWISS MUSIC comme plateforme de promotion et de réseautage (surfaces de présentation, tables de rencontres, etc.)
  • Déplacez-vous librement sur le salon grâce à un service de représentation gratuit assuré par notre personnel de stand
  • Vous ne payez que votre propre inscription obligatoire aux médias pour le site Internet et les publications de l’IKF (EUR : 68)

Alors… interessé·e·?

Et voici comment procéder:

  1. Cliquez sur S’INSCRIRE
  2. Connectez-vous au IKF-Lounge ou créez un login
  3. Cliquez sur «Register as a co-exhbitor»
  4. À l’étape 2, saisir l’ID d’exposant « SWISS MUSIC 350157 »
  5. Finalisez votre inscription

➢ Date limite d’inscription au journal de l’IKF: 31 octobre 2022

➢ Date limite d’inscription à l’IKF 2023: 15 janvier 2023

Pour toute question concernant SWISS MUSIC, adressez votre demande à:
Marcel Kaufmann
swissmusic@fondation-suisa.ch.

Pour toute question concernant l’IKF, contactez:
Fiona Wieber
fiona.wieber@fwtm.de

Vous trouverez de plus amples informations sur le programme SWISS MUSIC sur:
swissmusic.ch »

(En cas de nombre d’inscriptions insuffisant, la FONDATION SUISA et ses partenaires se réservent le droit de retirer leur offre de soutien à tout moment jusqu’au salon.)

DATE LIMITE: 15.01.2023

RÉKA CSISZÉR⎪ «GET GOING!» 2020

Série de portraits «Get Going!» 2020

Réka Csiszér ⎪ Photo ⓒMika Bajinski for VÍZ


Réka Csiszér est chanteuse, compositrice, multi-instrumentiste et interprète. De formation classique en piano, violoncelle et flûte, elle a terminé ses études de chant jazz à la Haute École d’art de Zurich en 2017. Réka Csiszér construit toujours des ponts entre les différents genres avec des projets de théâtre et de cinéma. Elle souhaite maintenant réaliser un ambitieux projet solo avec «VÍZ». Un œuvre interdisciplinaire globale (performance-film sonore) interdisciplinaire qui, en collaboration avec d’autres artistes, génère un espace audiovisuel dans lequel Réka Csiszér n’explore pas seulement sa palette stylistique de musique ambiante, classique, avant-folk et électronique, mais veut également approfondir son rapport à sa langue maternelle hongroise et à ses racines transylvaniennes.


rekacsiszer.com

Portrait arttv
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RÉKA CSISZÉR

05.11.2021


«Get Going!», une offre d’encouragement de la FONDATION SUISA, existe depuis 2018. Cette nouvelle forme de contribution à la création permet de financer des processus créatifs et artistiques qui se situent hors des catégories usuelles.