Archives de catégorie : «Get Going!»

Kety Fusco⎪ «Get Going!» 2022

Série de portraits «Get Going!» 2022

Kety Fusco ⎪ Photo ©Sebastiano Piattini



La harpiste virtuose tessinoise Kety Fusco s’est faite connaître par ses compositions qui transcendent les genres et dans lesquelles elle ne cesse d’explorer et d’étendre et faire évoluer le champ d’utilisation de son instrument. La contribution «Get Going!» permet à présent à Kety Fusco de se consacrer au développement d’un élément supplémentaire pour sa harpe acoustique. Le but de cette évolution est de repousser les limites du spectre sonore de l’instrument pour l’enrichir d’un nouveau langage instrumental hybride et donner naissance à des espaces sonores inusités.
ketyfusco.com


«Get Going!», une offre d’encouragement de la FONDATION SUISA, existe depuis 2018. Cette nouvelle forme de contribution à la création permet de financer des processus créatifs et artistiques qui se situent hors des catégories usuelles. Chaque mois, nous présentons l’une ou l’un des bénéficiaires des contributions «Get Going!» 2022.

Hasan Nakhleh: Des grooves internationaux pour plus de tolérance

Série de portraits «Get Going!» 2022 

Hasan Nakhleh ⎥ Photo ©Hasan Nakhleh

Le Bernois Hasan Nakhleh, qui forme avec son frère Rami le duo TootArd, associe musique de danse internationale et héritage culturel arabe. Grâce à la contribution «Get Going!», il a maintenant le temps et l’espace nécessaires pour aborder cette union entre Orient et Occident de manière approfondie.

Durant cet entretien, Hasan Nakhleh ne tarit pas d’éloges pour Berne, louant notamment sa beauté et le calme qu’il y a trouvé. Il vit depuis 2014 dans la ville fédérale; c’est l’amour qui l’a mené jusqu’en Suisse. Il a obtenu le passeport rouge à croix blanche en 2021. Pour quelqu’un qui a grandi sur le plateau du Golan, ce n’est pas rien. Dans ce territoire annexé par Israël, la population arabe est de facto apatride. «Golan est une patrie qui n’en est pas une. Quant à Berne, c’est un endroit qui se trouve bien loin de ma terre natale», relate Hasan Nakhleh. 

C’est dans ces tensions que ce jeune homme de 35 ans puise sa créativité musicale. Avec son frère Rami, il fait de la musique depuis son enfance. Plus tard, ils ont formé un groupe, avec lequel ils se sont produits dans des clubs locaux, et ont pris le nom de TootArd. Hasan rit, car ce mot signifie «fraises» en arabe. «Nous ne voulions pas être soupçonnés de diffuser des messages politiques dans nos textes. «Fraises» nous semblait donc être un nom assez inoffensif.»

Le duo a déjà produit trois albums. Ils ont nommé leur deuxième opus d’après le nom du document qu’ils ont reçu à la place d’un passeport : «Laisser passer». «Nous avons ainsi pu quitter le plateau du Golan mais pour voyager à l’étranger, nous devions toujours faire des demandes de visa fastidieuses.»

Avec la nationalité suisse, il peut à présent voyager où il le souhaite sans problème. Alors qu’Hasan apprécie le calme de Berne pour effectuer son travail, son frère Rami est resté dans son village natal. «Cela n’entrave pas notre collaboration», affirme-t-il. Rami se charge des beats et Hasan du reste, y compris des paroles. Comme le titre de leur dernier album, «Migrant Birds», l’évoque, ils souhaitent diffuser dans le monde, tels des oiseaux migrateurs, leur musique de danse contagieuse aux beats hypnotisants, aux mélodies arabes et orientales et aux paroles poétiques empreintes de critiques envers la société.

«Je souhaite perfectionner ce que nous avons commencé avec notre dernier album», explique-t-il, c’est-à-dire créer une musique de danse internationale, qui peut être comprise partout dans le monde, mais qui ne renie pas non plus ses origines. Grâce à la contribution «Get Going!», il a désormais le temps, entre autres, de reprogrammer ses synthétiseurs analogiques et numériques afin de pouvoir jouer des quarts de ton. «Ces quarts de ton font partie intégrante du système tonal arabe, mais ne peuvent pas être produits par des instruments à clavier. J’utilise donc des boîtes d’accord, qui communiquent avec les instruments via le MIDI. Il est ainsi possible de modifier l’accordage des synthétiseurs.» En tant que compositeur, son défi consiste à trouver le bon équilibre entre l’Orient et l’Occident, entre son héritage culturel et le monde dans lequel il vit et travaille à présent.

Hasan Nakhleh décrit ainsi les expériences qu’il vit avec son frère à chacun de leurs concerts, que ce soit en Suisse, à Londres, à Toronto, à Tokyo ou au Caire: «Des personnes d’origines très diverses viennent à nos concerts pour danser. Cela promeut la tolérance, car la musique en général a un effet rassembleur. De plus, nous éliminons ainsi certains stéréotypes car nous intégrons l’héritage culturel arabe à une musique contemporaine.»

À cet effet, la contribution «Get Going!» est «la meilleure forme de soutien que l’on puisse recevoir», affirme-t-il. «Lorsque les artistes bénéficient d’une liberté financière, les résultats sont toujours là.» En outre, le fait que ce coup de pouce financier ne soit lié à aucun résultat concret constitue, d’après lui, une motivation supplémentaire: «Il n’y a aucune contrainte extérieure, je n’ai pas d’obligations. Je me pose donc la question: est-ce que cela me plaît?» Avec «Get Going!», souligne-t-il en conclusion, il se voit octroyer une confiance en tant qu’artiste. Pour lui, c’est quelque chose de tout à fait exceptionnel. «Rien que cet aspect est une obligation suffisante pour réaliser quelque chose de bien.»

Rudolf Amstutz


tootard.com


«Get Going!», une offre d’encouragement de la FONDATION SUISA, existe depuis 2018. Cette nouvelle forme de contribution à la création permet de financer des processus créatifs et artistiques qui se situent hors des catégories usuelles. Chaque mois, nous présentons l’une ou l’un des bénéficiaires des contributions «Get Going!» 2022.

Simone Felber: danser et chanter pour la vie, avec et contre la mort

Série de portraits «Get Going!» 2022 

Simone Felber ⎥ Photo ©Christian Felber



La chanteuse Simone Felber s’implique dans de nombreux projets afin de moderniser la musique folklorique suisse. La contribution «Get Going!» qu’elle a obtenue lui permettra de donner une nouvelle vie à la danse macabre.

Elle ne s’est intéressée à la musique folklorique que tardivement, lorsqu’elle effectuait ses études à la Haute école de musique de Lucerne. Elle y a rencontré le joueur d’accordéon schwyzois Adrian Würsch et le contrebassiste Pirmin Huber, avec lesquels elle forme actuellement le trio «Simone Felbers iheimisch». Auparavant, elle évoluait surtout dans le domaine de la musique classique. Sa participation au chœur «molto cantabile», consacré à la musique contemporaine, l’a beaucoup marquée. Citadine amoureuse de la nature, la Lucernoise a découvert dans la musique folklorique quelque chose qui lui a beaucoup plu: «Dans la musique, nous visons toujours la perfection. Alors que la musique classique exige de concevoir un son parfait, le jazz et la musique folklorique permettent de trouver son propre son.»

Pour elle, son propre son se manifeste non seulement au sein du trio «Simone Felbers iheimisch», mais aussi dans de nombreux autres projets, comme le quatuor féminin «famm» ou le chœur «Echo vom Eierstock», dont elle est la cheffe. Pour cette mezzo-soprano de formation, il ne s’agit pas simplement de pouvoir s’exprimer de façon très moderne au moyen du chant non verbal et du yodel, mais aussi, en tant que trentenaire, de faire part du point de vue de sa génération. La Suisse d’aujourd’hui, multiculturelle et urbaine, est confrontée à des problèmes sociétaux, sociaux et politiques, alors qu’en même temps, la nature se rebelle et constitue un défi climatique aux lieux d’origine de la musique folklorique. Simone Felber souhaite que sa musique reflète tous ces éléments, car elle reproche à la musique folklorique d’ignorer trop souvent le quotidien. «La musique folklorique me fait parfois penser à une brochure en papier glacé», déclare-t-elle avant d’ajouter: «Moi, en revanche, je préfère le papier recyclé.»

Elle s’est associée au pianiste de jazz Lukas Gernet pour son dernier projet, «hedi drescht», dans le cadre duquel ils abordent ensemble le thème de la patrie et mettent en musique ce que celle-ci représente au moyen d’un véritable kaléidoscope musical qui oscille entre classique, yodel et jazz. Sur scène, le recueil de chansons «äinigermasse dehäi» se transforme en une performance audiovisuelle interdisciplinaire grâce à la collaboration avec le collectif de théâtre «Fetter Vetter & Oma Hommage», le vidéaste Jules Claude Gisler et le metteur en scène Stephan Q. Eberhard.

Pour son projet «Get Going!», Simone Felber franchit une étape supplémentaire et aborde le thème de la mort, auquel elle a été confrontée récemment en raison de la perte de plusieurs proches. La danse macabre la fascine tout particulièrement. Mais qui donc effectue cette danse? Dans la musique folklorique, il existe ce qu’on appelle le «tänzli», ou musique de danse traditionnelle: les vivants dansent-ils sans jamais penser à la mort ou pour célébrer la vie avant la mort? Ou est-ce plutôt la mort qui danse, comme sur les motifs baroques que l’on peut admirer sur le pont Spreuerbrücke de Lucerne, la ville natale de Simone Felber? Ou encore les personnes mourantes, qui se rendent dans l’au-delà en dansant? Simone Felber se penche sur ces questions depuis longtemps déjà. «Dans de nombreuses cultures, la vie et la mort forment un cycle, alors que dans la nôtre, l’existence est perçue comme linéaire», explique-t-elle. «J’aimerais que ce sentiment paralysant qui nous envahi face à la mort se transforme en un mouvement qui peut nous en faire sortir.» 

Elle ne sait pas encore la forme exacte que prendra son projet. «Je penche plutôt pour une installation sonore et visuelle qui permettrait aux gens de se confronter de manière individuelle à ce thème dans un cadre intime.» La contribution «Get Going!», souligne-t-elle, lui donne la liberté et la sécurité de mener à bien ce projet sans stress et sans devoir faire de trop grands compromis.

Rudolf Amstutz


Album actuel: hedi drescht – «äinigermasse dehäi»
simonefelber.ch

Portrait arttv
–––––––––––––––––––

SIMONE FELBER

07.06.2023


«Get Going!», une offre de soutien de la FONDATION SUISA, existe depuis 2018. Cette nouvelle forme de contribution à la création permet de financer des processus créatifs et artistiques qui se situent hors des catégories usuelles. Chaque mois, nous présentons l’une ou l’un des bénéficiaires des contributions «Get Going!» 2022.

2022: Huit contributions «GET GOING!»attribuées

La mise au concours de cette année pour une contribution «Get Going!» a suscité un grand écho. 225 dossiers ont été déposés, provenant de toutes les régions du pays et de tous les genres. Nous remercions toutes celles et ceux qui ont manifesté leurs idées et qui n’ont pas facilité la décision du jury. Au final, huit projets ont été sélectionnés, qui reflètent à merveille l’immense diversité et la vivacité de la scène musicale actuelle.



Les bénéficiaires d’une contribution «Get Going!» à hauteur de CHF 25’000.- sont:

KETY FUSCO

Kety_Fusco ⎪ ©Photo by Sebastiano Piattini


Cette harpiste virtuose tessinoise s’est fait connaître par ses compositions qui transcendent les genres et dans lesquelles elle ne cesse d’explorer et d’étendre et faire évoluer le champ d’utilisation de son instrument. La contribution «Get Going!» permet à présent à Kety Fusco de se consacrer au développement d’un élément supplémentaire pour sa harpe acoustique. Le but de cette évolution est de repousser les limites du spectre sonore de l’instrument pour l’enrichir d’un nouveau langage instrumental hybride et donner naissance à des espaces sonores inusités.
www.ketyfusco.com


HASAN NAKHLEH (TootArd)

Hasan Nakhleh ⎪ ©Photo by Jenan Shaker


Avec son projet TootArd, le musicien bernois Hasan Nakhleh poursuit deux objectifs: d’une part, il expérimente les multiples possibilités dans le domaine des rythmes et de l’accordage, d’autre part, il veut faire bouger les dancefloors du monde entier avec ses global grooves et ses textes arabes. La contribution «Get Going!» lui permettra de consacrer suffisamment de temps au quatrième album de TootArd pour développer son univers sonore. Hasan Nakhleh entend notamment reprogrammer des synthétiseurs analogiques et numériques avec des quarts de ton dans différentes gammes.
tootard.com
Portrait HASAN NAKHLEH


LOUIS JUCKER

Louis Jucker ⎪ ©Photo by Augustin Rebetez


L’auteur-compositeur-interprète chaux-de-fonnier Louis Jucker s’est créé ces dernières années un univers insolite bien à lui. Avec ses morceaux expérimentaux à la sonorité épurée, il crée un anachronisme bienfaisant au milieu d’une vie quotidienne rythmée par l’agitation. La contribution «Get Going!» le soutient désormais dans un projet sur plusieurs années et dont l’aboutissement est la construction d’une machine enregistreuse fonctionnant sans électricité. L’objectif du musicien est de réagir à l’état du monde en mettant sur pied des moyens de production de musique locaux maîtrisables, et ce de manière artisanale.
www.louisjucker.ch


CÉGIU

Cégiu ⎪ ©Photo by Gian Marco Castelberg


La musicienne, productrice et compositrice lucernoise Céline-Giulia Voser a trois albums solos à son actif sous le nom de Cégiu. Pour chacun d’entre eux, elle a cherché à explorer de nouvelles sonorités et manières de composer. Elle utilisera le coup de pouce «Get Going!» pour approfondir ses recherches sur la thématique de la perception psychoacoustique en vue de son nouvel opus «Coiled Continuum». Son objectif est non seulement de créer une musique qui sonne différemment selon le lieu, le contexte et le moment, mais qui soit également capable, par des manipulations sonores, de susciter des émotions individuelles chez les auditeurs·trices.
www.cegiu.com

Portrait CÉGIU
arttv Portrait vidéo CÉGIU


SIMONE FELBER

Simone Felber ⎪ ©Photo by Christian Felber


Avec ses projets «Simone Felbers Iheimisch», «hedi drescht» et «famm», la chanteuse lucernoise Simone Felber est l’une des principales figures de la nouvelle musique folklorique suisse. Elle est chez elle dans la zone limitrophe entre tradition et modernité, études classiques et innovation inédite. Ces dernières années, suite à la perte de plusieurs êtres chers, Simone Felber a dû se confronter régulièrement à la mort. La contribution «Get Going!» lui permettra de s’immerger complètement dans son projet, qui consiste à mettre face-à-face la danse macabre classique et la danse folklorique traditionnelle. Son objectif est de développer sa propre danse macabre qui, par la légèreté de cet art, permettra de porter un nouveau regard sur la mort.
www.simonefelber.ch

Portrait SIMONE FELBER
arttv Portrait vidéo SIMONE FELBER


MARIO BATKOVIC

Mario Batkovic ⎪ ©Photo by Rob Lewis


Mario Batkovic est l’un des compositeurs et musiciens suisses les plus virtuoses et les plus connus dans le monde. Impliqué dans de nombreux projets, l’accordéoniste bernois construit des instruments innovants et se livre continuellement à des expérimentations à la croisée de la pop, du rock et de la musique contemporaine. Afin d’explorer et de créer de nouveaux espaces sonores, la recherche, le développement, la composition et l’expérimentation sont au cœur de son travail. Grâce à la contribution «Get Going!», Mario Batkovic se voit désormais offrir l’un des éléments essentiels à la créativité: du temps!
Website


Projet EI GEN KLANG (Flora Geiẞelbrecht / Jul Dillier / Bernhard Hadriga)

Ei Gen Klang ⎪ ©Photo by Maria-Frodl


Jul Dillier se décrit lui-même très justement comme un artisan du son et un poète sonore. Le pianiste et percussionniste obwaldien travaille à de nombreux projets entre le jazz, l’improvisation, la musique de théâtre et de pièces radiophoniques, l’écriture, la performance et l’art sonore. La contribution «Get Going!» lui permettra de mettre sur pied «Ei Gen Klang», une performance multisensorielle d’une heure axée sur la recherche des origines et mêlant sons, mots, images et saveurs. Il s’associera pour ce faire avec l’altiste, vocaliste et parolière Flora Geiẞenbrecht et le guitariste, vidéaste et généticien de formation Bernhard Hadriga.
Website


KALEIDOSCOPE STRING QUARTET

Kaleidoscope String Quartet ⎪ ©Photo by Benedek Horváth


Le Kaleidoscope String Quartet refuse le corset de la musique de chambre classique et a osé, ces dernières années, franchir des frontières dans plusieurs directions, attirant l’attention du public dans les festivals les plus divers (notamment le Cully Jazz et le Murten Classics). La pandémie a interrompu son dernier projet, «Five», qui peut à présent redémarrer grâce au coup de pouce «Get Going!». Pour poursuivre son exploration en terre inconnue, le quatuor a récemment accueilli un cinquième membre en la personne du bandonéoniste Michael Zisman. Le nouvel altiste du groupe, Vincent Brunel, apportera lui aussi des changements décisifs au projet «Five», qui évoluera en douceur vers un second projet grâce à de nouvelles approches de composition.
Website

RÉKA CSISZÉR⎪ «GET GOING!» 2020

Série de portraits «Get Going!» 2020

Réka Csiszér ⎪ Photo ⓒMika Bajinski for VÍZ


Réka Csiszér est chanteuse, compositrice, multi-instrumentiste et interprète. De formation classique en piano, violoncelle et flûte, elle a terminé ses études de chant jazz à la Haute École d’art de Zurich en 2017. Réka Csiszér construit toujours des ponts entre les différents genres avec des projets de théâtre et de cinéma. Elle souhaite maintenant réaliser un ambitieux projet solo avec «VÍZ». Un œuvre interdisciplinaire globale (performance-film sonore) interdisciplinaire qui, en collaboration avec d’autres artistes, génère un espace audiovisuel dans lequel Réka Csiszér n’explore pas seulement sa palette stylistique de musique ambiante, classique, avant-folk et électronique, mais veut également approfondir son rapport à sa langue maternelle hongroise et à ses racines transylvaniennes.


rekacsiszer.com

Portrait arttv
–––––––––––––––––––

RÉKA CSISZÉR

05.11.2021


«Get Going!», une offre d’encouragement de la FONDATION SUISA, existe depuis 2018. Cette nouvelle forme de contribution à la création permet de financer des processus créatifs et artistiques qui se situent hors des catégories usuelles.

ISANDRO OJEDA-GARCÍA⎪ «GET GOING!» 2020

Série de portraits «Get Going!» 2020

Isandro Ojeda-García ⎪ Photo ©Caio Licínio


Le compositeur et musicien Isandro Ojeda-García développe une carrière solo comme performeur audio-visuel. Il est également actif au sein de l’Insub Meta Orchestra (IMO), ainsi que musicien et codirecteur artis-tique du band TRES OJOS et du festival unfold-LAB, coproduit en collaboration avec l’Université de Genève. Depuis des années, cet artiste genevois travaille sur des projets interdisciplinaires, oscillant entre composition et improvisation, musique et art vidéo, en collaborant avec des artistes variés issus de différents milieux. Au-jourd’hui, avec le projet à grande échelle «alt_A|V-LIB», il imagine, entre autres, le dépassement de la partiti-on classique sur le plan technique et artistique en développant un système de communication alternatif, transversal et hybride entre musicien-ne-s de traditions non communes ou même entre différent-e-s artistes de l’art vivant en général.
isandroojedagarcia.tumblr.com

Portrait arttv
–––––––––––––––––––

ISANDRO OJEDA-GARCÍA

14.09.2021


«Get Going!», une offre d’encouragement de la FONDATION SUISA, existe depuis 2018. Cette nouvelle forme de contribution à la création permet de financer des processus créatifs et artistiques qui se situent hors des catégories usuelles.

OY: parcourir les villes les sens en éveil

Série de portraits «Get Going!» 2020 

OY ⎥ Photo ©Paula Faraco



Joy Frempong et Marcel Blatti forment le groupe OY. Le duo suisse, qui a élu domicile à Berlin, prévoit d’effectuer une tournée placée sous le signe de la durabilité et de trouver l’inspiration en se baladant dans les villes visitées. La contribution «Get Going!» de la FONDATION SUISA les soutient dans leur projet «Messages from Walls». 

La chanteuse zurichoise Joy Frempong et le musicien bernois Marcel Blatti, qui forment le duo OY, s’amusent à dynamiter les genres musicaux et à les transformer en avant-pop flashy et colorée, aux contenus engagés. Les albums d’OY sont toujours conceptuels et abordent des sujets socio-politiques sous des angles divers, souvent enrichis par des éléments audiovisuels ou des textes et des images prenant la forme de livres. Avec son projet «Messages from Walls», le duo vivant à Berlin entend, lors de sa prochaine tournée, explorer les murs de l’espace public pour trouver des messages susceptibles de les abattre. Avec leurs partenaires, ils transformeront ces messages en déclaration visuelle artistique et politique, qui débouchera par la suite sur un album du même nom et un blog.

Joy Frempong et Marcel Blatti, le dernier album d’OY, «Space Diaspora», a rencontré un joli succès. Vous travaillez maintenant à sa suite. À quoi faut-il s’attendre?

Marcel: Nous avons résumé musicalement nos deux derniers albums. Sur ceux-ci, les textes de Joy affichent une constante que nous reprenons pour l’emmener plus loin. 

Joy:  Ce disque reflète ce qu’il se passe autour de nous. Il relève à la fois du post-passé et du pré-futur. (Elle rit.) Il parle d’identité, des injustices, mais véhicule aussi des aspects positifs de notre époque. 

Vous partez en tournée avec cet album, et c’est là que commence votre projet «Get Going!». 

Les deux: Exactement ! 

Comment avez-vous eu l’idée de ce projet?

Marcel: Ces deux dernières années, nous avons beaucoup tourné. C’était une grande chance, mais aussi un gros stress parfois. On arrive dans un lieu, on donne un concert le jour même et on repart le lendemain. L’envie est apparue de séjourner plus longtemps dans ces lieux et d’en profiter pour effectuer des recherches et écrire de nouvelles chansons. Les idées qui naîtront déboucheront aussi sur un blog, qui nous permettra d’établir un contact différent avec nos fans, loin des canaux monopolisés de Facebook. Cette «slow-tournée» n’est cependant pas finançable avec un budget de tournée ordinaire, et c’est là que «Get Going!» entre en jeu.

Joy:  En même temps, nous pourrons ainsi voyager de manière plus écologique. Effectuer des tournées sans oublier le réchauffement climatique qui s’aggrave est important pour nous. Nous nous trouvons dans une situation paradoxale. Nous ne sommes pas un groupe local, mais éveillons l’intérêt du public dans toute l’Europe. On fait aussi ce métier parce qu’on aime voyager. Et les artistes devraient avoir la possibilité de se livrer à des échanges culturels. En même temps, nous avons aussi le devoir de le réaliser en respectant mieux l’environnement. 

Marcel: Mais pas sous la forme virtuelle, avec des concerts en streaming à écouter chez soi. Le confinement lié à la pandémie a clairement montré que cela ne fonctionne pas. L’énergie d’un concert doit rester une expérience physique.

Un élément supplémentaire de votre projet est la manière dont vous allez vous pencher sur les messages taggés sur les murs des villes. 

Joy:  Lorsqu’on se balade à Berlin, on voit beaucoup de street art et de graffitis politiques. Certains sont adressés directement au voisinage, d’autres sont philosophiques ou humoristiques. Il y a par exemple un terrain de jogging où l’on voit, à chaque tour que l’on fait, le tag «Can’t keep running away». Tous les slogans ne fonctionneront pas dans des textes de chansons, mais tenter de parcourir l’espace en partant de ces messages constitue une autre approche de la ville et de sa culture. 

Vous partez à la chasse aux murs? 

Marcel: (Il rit.) Exactement. Nous nous sommes fixé cette belle mission qui consiste à garder les sens en éveil et sommes curieux de voir comment nos découvertes interagiront avec notre propre imagination. 

OY, ce n’est pas juste une proposition musicale. Vos réalisations visuelles, vos costumes, les livres qui accompagnent vos albums: il s’agit presque d’une œuvre d’art totale. Aviez-vous prévu cela au départ? 

Marcel: Nous nous intéressons simplement à beaucoup de choses. Et quand on met toute son énergie dans un groupe, on y intègre automatiquement tout ce qui nous fascine. Nous avons toujours eu d’excellents contacts avec les autres arts, et ces liens se sont amplifiés au fil des années. Nous mettons beaucoup d’amour dans nos projets, de la scénographie à la couverture des albums.

Sur le blog d’OY, on lit la chose suivante: «There is hope our society could learn lessons». S’agit-il d’optimisme dans un monde où rien ne semble fonctionner? 

Joy: Parfois, on se sent impuissant vis-à-vis des personnes qui se disent réalistes. Mais je pense qu’un bouleversement est en marche, dans la bonne direction. Il arrive que les crises déclenchent des changements profonds. Bien sûr, il est à craindre que les gens souhaitent revenir à la «normale» après la pandémie. Mais nous voulons, comme beaucoup d’autres, changer quelque chose, et profiter de l’occasion de cette césure pour initier une transformation. 

Que pensez-vous du modèle d’encouragement «Get Going!»? 

Marcel: Le soutien à la culture en Suisse est progressiste. Mais il est temps que l’on trouve de nouvelles formes d’encouragement, plus proches du quotidien des artistes. «Get Going!» représente un format novateur, et aussi une immense chance pour nous. 

Joy: La plupart des subventions sont liées à des productions. «Get Going!» est une forme d’encouragement plus ouverte, conçue par exemple comme un soutien au processus créatif. Pour nous en particulier, tout le travail que nous effectuons en amont d’un nouveau projet est très important. «Get Going!» nous enlève par conséquent un immense poids. C’est comme si une nouvelle fenêtre s’ouvrait à l’horizon, et c’est extrêmement beau.

Interview: Rudolf Amstutz


oy-music.com

Portrait arttv
–––––––––––––––––––

OY

31.08.2021


C’est en 2018 que la FONDATION SUISA a commencé à allouer ses nouvelles contributions à la création. Sous le titre « Get Going ! », elle finance des processus créatifs et artistiques qui se situent hors des catégories usuelles. 

Pirmin Huber: «La techno et la musique folklorique se ressemblent beaucoup»

Série de portraits «Get Going!» 2020 

Pirmin Huber ⎪ Photo @GM Castelberg



Mélanger des bruits du quotidien traités électroniquement avec des éléments de la musique folklorique pour fabriquer une expérience sonore inédite: tel est l’objectif du contrebassiste et compositeur Pirmin Huber dans le cadre de son nouveau projet. La contribution «Get Going!» lui apporte son soutien.

Depuis la fin de ses études de jazz (orientation composition) à la Haute école de Lucerne, le compositeur et contrebassiste schwyzois Pirmin Huber expérimente de nouvelles possibilités de mélanger la musique folklorique suisse avec d’autres genres pour donner naissance à de nouveaux sons. En tant que soliste ou membre des groupes «Ländlerorchester», «Stereokulisse», «Ambäck» ou «Gläuffig», Pirmin Huber dépoussière la musique folklorique et l’associe à la techno, au jazz, à la musique classique ou électronique. À présent, il souhaite se lancer dans une sorte de recherche d’«enregistrement de terrain» à l’aide de bruits du quotidien manipulés électroniquement et des sons folkloriques qu’il tire de sa contrebasse et d’autres instruments. Le tout doit donner naissance à une œuvre qui bouscule nos perceptions auditives habituelles et reflète ainsi l’époque particulière que nous vivons.

Pirmin Huber, comment l’idée de ce projet est-elle née?

Pirmin Huber: Je viens au départ de la musique folklorique, c’est-à-dire acoustique, et j’ai progressivement glissé vers la musique électronique. En expérimentant de nouvelles techniques d’enregistrement, des idées ont surgi en moi que je souhaite développer. J’ai grandi dans une ferme, où nous avions également une menuiserie. Les sons de la scie, ainsi que toutes les autres sonorités, me fascinaient, et j’essayais déjà, à l’époque, de les reproduire avec mes instruments de musique. Pour mon projet «Get Going!», je pars des sons que je parviens à créer avec mes instruments – contrebasse, schwyzoise, guitare, piano ou cithare glaronnaise – et je les associe à des bruits du quotidien samplés que je déforme à l’aide de l’électronique. Depuis mon enfance, je me suis toujours demandé comment faire de la musique avec ces sons. Aujourd’hui, je peux m’offrir certains outils, et cela me permet de m’engager à fond dans ce projet.

Qu’est-ce qui vient en premier? L’échantillonnage de sons ou la composition? 

C’est un mélange des deux. De nouvelles possibilités apparaissent régulièrement lorsque je travaille. Il s’agit d’un processus. L’important pour moi est de réussir à créer une atmosphère tout à fait particulière avec ma musique. L’œuvre achevée se composera de plusieurs pièces qui s’interpénètreront ou, du moins, se feront écho. On pourrait la décrire comme une sorte de suite.

Vous passez d’un style à l’autre avec aisance. En tant que bassiste, c’est toujours vous qui donnez le ton. Dans cette position, est-il possible d’identifier des parentés ou des points de jonction entre la musique populaire, la musique classique, le jazz, la pop, le rock ou la techno?

Peut-être bien. De toute manière, la techno et la musique folklorique se ressemblent beaucoup. De l’extérieur, ce n’est peut-être pas évident (il rit), mais l’énergie qui se dégage lorsqu’on joue de la techno ou de la musique folklorique est la même. Ce sont toutes les deux des musiques faites pour danser. Je pense qu’il faut avoir joué les deux pour comprendre cette similitude. Dans mon projet, j’essaie donc de créer une sorte de musique folklorique moderne avec de l’électronique et du groove.

La ville et la nature: s’agit-il là de contraires qui vous inspirent?

J’ai besoin des deux. Lorsque je suis loin de l’une, l’autre me manque. Par conséquent, il est probablement logique que je souhaite faire se rejoindre ces deux pôles J’ai depuis longtemps trois piliers: la musique populaire, la musique contemporaine et la techno. Dans mon ressenti, cependant, elles ne font qu’un. 

La contribution «Get Going!» est conçue comme un coup de pouce financier, sans attente de résultats. Que pensez-vous de ce type d’encouragement? 

Je le trouve formidable! La liberté qu’il nous permet nous incite véritablement à accomplir quelque chose de plus grand. J’avais déjà l’idée de ce projet depuis longtemps, mais d’autres choses se sont intercalées avant. Enfin, la question déterminante est de savoir si l’on peut porter un tel projet financièrement parlant et le mener à bien sans stress. «Get Going!» me permet précisément de le faire. 

Interview: Rudolf Amstutz


pirminhuber.com

Portrait arttv
–––––––––––––––––––

PIRMIN HUBER

29.08.2021


C’est en 2018 que la FONDATION SUISA a commencé à allouer ses nouvelles contributions à la création. Sous le titre « Get Going ! », elle finance des processus créatifs et artistiques qui se situent hors des catégories usuelles. 

Zwahlen / Bergeron, le duo qui révèle ce qu’on n’a encore jamais entendu

Série de portraits «Get Going!» 2019 

Félix Bergeron ⎪ Photo ©Ludovic Schneiderovich



D’un côté, la tradition séculaire de la musique chorale; de l’autre, les possibilités presque infinies de la musique électronique. Dans le champ de tension entre ces deux pôles, Jérémie Zwahlen et Félix Bergeron se livrent à des expériences pour donner naissance à quelque chose de totalement nouveau. La contribution «Get Going!» les soutient dans ce projet.

C’est bien connu: les opposés s’attirent. Jérémie Zwahlen et Félix Bergeron, tous deux 33 ans, sont assis dans un café lausannois et discutent de leur projet: redéfinir la longue tradition de la musique chorale à l’aide de l’expérimentation électronique. Félix Bergeron profite de la conversation née autour de ce portrait pour se livrer à un brainstorming. Précis comme doit l’être un batteur, il énumère dans un rythme de plus en plus complexe les innombrables possibilités qu’il y aurait pour relier l’ancien et le nouveau, la tradition et l’avant-garde. Jérémie Zwahlen l’écoute stoïquement, et complète de temps à autre son propos par des phrases percutantes. Ce type de dialogue n’a rien de neuf pour eux, semble-t-il. «Félix est comme une cigarette ultra-forte, et je suis le super-filtre qu’on utilise pour la fumer», explique Jérémie Zwahlen. Les deux compères éclatent de rire.

En fait, ils fréquentaient déjà la même école près de Lausanne quand ils étaient enfants, puis leurs chemins se sont séparés. Félix Bergeron s’est mis à jouer de la batterie à l’âge de six ans, sans jamais y trouver pleine satisfaction, jusqu’à ce qu’il entende un solo de Lucas Niggli au festival de jazz de Willisau. «À côté de la percussion, il utilisait aussi l’électronique. J’étais totalement baba, et j’ai compris que c’était ce que je voulais faire!», raconte le batteur. Jérémie Zwahlen, lui, a grandi dans la tradition de la musique pour instruments à vent. Trompettiste, il faisait partie d’un orchestre de chambre, comme son père et son grand-père avant lui. Sa mère chantait dans un cœur. «Au gymnase, dit-il, on m’a dit que je ferais un bon prof de musique, alors j’ai commencé ma formation.»

Les deux musiciens ont fréquenté la Haute École de Musique de Lausanne (HEMU). «J’ai étudié le jazz et Jérémie la musique classique, relate Félix Bergeron, nous étions dans deux bâtiments différents.» Ce qu’ils ignoraient, et l’un et l’autre, c’est que leurs compagnes étaient amies. Un jour, après plusieurs années, ils se sont recroisés à une fête. Quand Jérémie propose à Félix de soutenir électroniquement le travail du Chœur Auguste, qu’il dirige, l’idée naît d’une collaboration qui irait bien au-delà de tout ce qu’on a l’habitude d’entendre. «Bien sûr, d’autres que nous avaient déjà réuni le chœur et l’électronique, dit Félix Bergeron, mais ils se contentaient de remplacer l’orgue ou le piano par un synthétiseur. Cela ne nous intéressait pas.»

Les deux hommes, qui se sont toujours frottés aux frontières stylistiques et ont tenté de remodeler le paysage musical dans leurs projets individuels, étaient prédestinés à partir à la découverte de nouvelles terres. Avec ses arrangements percutants et aux concepts inhabituels de la musique d’Elvis Presley, de Johnny Cash, de Camille ou de Queen, Jérémie Zwahlen ne se contente pas de redéfinir les lois chorales, il envisage le chœur dans son ensemble comme un corps: «Le chœur est comme une sculpture qui respire et qu’on peut modeler. Félix aussi travaille avec des vibrations qu’on peut ressentir physiquement. À la fin, la musique doit devenir littéralement palpable.»

Effectivement, Félix Bergeron est très influencé par le sculptural. À côté de ses nombreux projets entre improvisation abstraite, folk, punk et jazz, il travaille pour le théâtre et pour des compagnies de danse. Dans ses «brush paintings», pour lesquels il enduit ses balais de batterie de peinture et tend des toiles sur ses cymbales, c’est le hasard qui engendre l’œuvre d’art. «Lorsqu’on travaille de manière spontanée avec l’électronique, on doit faire avec l’arbitraire. C’est ça qui m’intéresse. J’y vois des possibilités infinies pour faire éclater les formes traditionnelles de la musique chorale.»

La musique comme une sculpture qui dévoilerait aussi au public les secrets de sa genèse. Jérémie Zwahlen précise leur intention première: «Nous voulons que le public voie ce qu’il se passe. Comment la composition, le hasard, les arrangements et l’improvisation s’influencent mutuellement. Notre projet doit devenir une expérience perceptible par tous les sens que le public possède.» Puis il souligne: «Mon obsession est de retravailler tous les types de musique de sorte qu’ils apportent de la joie à tout le monde, qu’il s’agisse de musique classique, folklorique, de jazz ou de musique expérimentale.»

Un tel projet comporte tellement de possibilités d’expérimentation sur le plan de la musique, du contenu et du visuel qu’il est essentiel d’avoir suffisamment de temps et d’argent pour s’y consacrer, soulignent les deux musiciens. «Grâce à la contribution de «Get Going!», nous avons la possibilité, dans cette profusion, de partir à la recherche de nouveaux continents», se félicite Félix Bergeron.

Jérémie Zwahlen et Félix Bergeron sont des mordus de musique, qui transmettent aussi leur passion aux jeunes élèves de la HEMU et de l’École de jazz et musique actuelle (EJMA) de Lausanne ainsi que – pour Félix Bergeron – de l’école Jeunesse & Musique à Blonay. Ensemble, ils forment la seule cigarette au monde qui ne nuit pas à la santé. Bien au contraire.

Rudolf Amstutz


Portrait arttv
–––––––––––––––––––

ZWAHLEN / BERGERON

24.08.2020

Jessiquoi, ou la liberté de se réinventer

Série de portraits «Get Going!» 2019 

Jessiquoi ⎪ Photo ⓒManuel Lopez



La recherche identitaire est sa force créatrice. C’est dans ce contexte que Jessica Plattner alias Jessiquoi crée une œuvre d’art audiovisuelle complète. Selon ses propres dires, la Bernoise de 31 ans déborde d’idées. Grâce à la contribution «Get Going!», plus rien ne la retient dans la réalisation de ses objectifs.

«Quand je serai grande, j’aimerais avoir un piano à queue sur scène», dit Jessica Plattner en riant de ses mots. Bien entendu, la jeune femme de 31 ans est déjà adulte, mais ce qu’elle veut nous faire comprendre, c’est que sa voie d’artiste est loin d’être toute tracée. Pourtant, avec son alter ego Jessiquoi, elle fait déjà partie des artistes musicaux suisses les plus impressionnants. Elle compose et produit elle-même sa musique. Elle réalise aussi les effets visuels et crée sans cesse de nouveaux univers fantastiques dans lesquels Jessiquoi se réinvente et se redéfinit en permanence à travers des univers sonores électro, parfois doux, parfois granitiques.

«Pour moi, l’identité est quelque chose de fluide», dit Jessica, puis elle cite la drag-queen RuPaul: «You’re born naked. The rest is drag.» Et d’ajouter: «Je pense que chacun possède la liberté de se réinventer. La volonté de prendre une tout autre direction dans la vie ne requiert aucune justification. C’est comme un jeu vidéo dans lequel chacune et chacun peut créer son propre avatar.» 

La recherche identitaire comme force créatrice: ces mots prennent tout leur sens lorsqu’on se penche sur l’extraordinaire biographie de Jessica. Elle est née à Berne. Peu après, sa famille quitte la Suisse pour l’Australie. Alors qu’elle est adolescente, son père se voit offrir un poste au conservatoire de Berne, et toute la famille retourne en Suisse. À ce moment-là, la vie de la jeune fille prend un tout autre cours. Jessica voulait devenir danseuse professionnelle et suivait une formation à Sydney. De plus, la famille Plattner parlait uniquement l’anglais à la maison. «Si j’avais voulu poursuivre ma carrière de danseuse, j’aurais dû aller à Rotterdam ou à Berlin. Or, je voulais rester avec ma famille», avoue-t-elle. «Au début, je me sentais étrangère à Berne, exclue. J’ai appris à parler le dialecte bernois, et soudain, tout le monde était gentil.» La langue ne lui a posé aucune difficulté. D’ailleurs, son professeur d’allemand l’appelait «Tape Recorder»: «parce que j’étais capable de tout répéter parfaitement», rit-elle.

La recherche identitaire dans ce pays étranger l’a finalement menée à la musique, au détriment de la danse. «Nous avons toujours eu un piano à la maison, mais je n’y avais jamais touché. J’avais suivi quelques leçons, mais c’était horrible. Puis, un jour, j’ai commencé à composer mes propres chansons», raconte-t-elle en relatant ses débuts musicaux. 

Mais comme si la perte de ses repères n’était pas suffisante, Jessica est frappée, il y a sept ans, par un coup du destin inimaginable et terriblement douloureux. Son petit frère, de deux ans son cadet, décède. «Nous partagions tout. Les gens nous prenaient souvent pour des jumeaux», dit-elle, avant de raconter que son frère était celui qui lui avait fait découvrir l’univers des jeux vidéo et des musiques de film.

C’est justement dans ces univers, où chacun peut se réinventer, que Jessica s’est sentie chez elle en tant que Jessiquoi. «On pourrait dire que Jessiquoi est un personnage imaginaire, mais en réalité, elle est simplement une autre version de moi», explique-t-elle avant d’ajouter: «Ce personnage peut aussi sembler effrayant, car Jessiquoi n’évolue pas selon notre conception fixe des rôles des genres et de l’identité nationale.»

Aujourd’hui, sur ses albums, elle raconte ces univers étrangers, où les vallées sont polluées et les gens se réfugient sur les sommets des montagnes, où les pilotes sont capables de changer de direction vers une existence meilleure. Sur scène, Jessiquoi est seule à donner vie à cette existence alternative. Elle charge ses instruments électroniques et sa station de travail pour les effets visuels sur un chariot en bois, puis elle joue et danse en monarque absolue de la scène, ce lieu synonyme d’autodétermination et de repositionnement constant. Dans toute son intransigeance, l’œuvre d’art complète de Jessiquoi est impressionnante et a déjà su séduire le public à Séville ou New York.

Le chariot en bois, son «Wägeli» comme elle l’appelle affectueusement, tout comme la harpe chinoise qu’elle joue en direct sont des hommages à la culture chinoise, avec laquelle elle possède une grande affinité. «À l’école de langue, une amie chinoise m’a présenté sa culture, qui m’a d’emblée passionnée. Lors d’un de mes voyages en Chine, j’ai fait une drôle de rencontre: j’étais à Shanghai, il était trois heures du matin, et j’avais faim. Et là, il y avait cette vieille dame avec son chariot en bois qui lui servait de cuisine. L’image de ce vieux chariot au cœur de cette métropole ne m’a plus quittée. Je voulais être cette femme», raconte-t-elle amusée.

Selon Jessica, l’autodétermination sans concessions et la liberté de préserver la fluidité de son être sont indispensables à son art. « Pour moi, le principal devoir des artistes est de rêver à une nouvelle civilisation et de donner vie à cette vision. Ce sont eux qui observent les gens et le monde autour d’eux, qui les analysent, les critiquent et les réinventent. »

Grâce à la contribution «Get Going!», plus rien ne s’oppose à cette évolution passionnante. «Je gagne ma vie en jouant des concerts, ce qui me laisse toutefois moins de temps pour composer de nouvelles chansons. Avec cette contribution, je dispose de mon budget annuel», se réjouit-elle. La destination de ce voyage est totalement ouverte: «Je ne sais pas quelle musique je ferai demain. Je suis le cours de mon inspiration. Mais je ne me laisserai jamais dire quoi faire pour satisfaire aux exigences de marketing stratégique. Je travaille sur mon identité. Moi, et moi seule.»

Rudolf Amstutz


jessiquoi.com

Portrait arttv
–––––––––––––––––––

JESSIQUOI

18.08.2020